/ CH Saint Jean de Dieu
A l’occasion du départ de Pierre Giordano, médecin chef du pôle G25 pendant près de 10 ans, le Centre hospitalier Saint Jean, la Fondation ARHM rendent hommage à son formidable investissement porté par des convictions fortes pour fédérer les moyens, engager le virage ambulatoire, organiser une diversification de la palette de soins offerts dans leur graduation. Ces dix années d’engagements sont aussi le récit des enjeux et des conditions d’exercice dans lesquels s’est inscrit le pôle G25 et plus largement le centre hospitalier Saint Jean de dieu : établissement de santé privé d’intérêt collectif spécialisé en psychiatrie.
La Loi de modernisation de notre système de santé (2016) a introduit des changements importants dans la manière dont les soins psychiatriques sont organisés en France. Elle a, entre autres, réaffirmé l’importance de la prévention en santé mentale, en encourageant une approche plus précoce et intégrée des soins ; promu l’intégration des soins psychiatriques dans les parcours de soins généraux, afin d’éviter la stigmatisation et d’améliorer la prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiques dans les soins primaires.
Docteur Pierre Giordano : « En 2016, lorsque nous avons pris non fonction au G 25 avec Éric Croizat, il nous a fallu livrer un projet de pôle dans les quatre mois, guidés par la nécessaire réorganisation des moyens au regard de l’évolution escomptée de la philosophie du soin. Il s’agissait déjà à l’époque de fédérer les moyens existant afin de dynamiser la juxtaposition plus ou moins artificielle de trois secteurs psychiatriques jusqu’à atteindre un fonctionnement de pôle sectoriel de psychiatrie générale. Si initialement les résolutions prises étaient justifiées par le virage ambulatoire à faire négocier à l’organisation hospitalière, le pôle 69 G 25 en particulier, loin de s’y être suffisamment engagé, a dû considérer cet objectif comme une priorité. Pour ce faire, une modification de la configuration de l’extrahospitalier devenait indispensable. Pour les situations cliniques possibles à prendre en charge autrement que par l’univocité de l’hospitalisation psychiatrique temps plein, cela impliquait l’élaboration d’alternatives à des pratiques devenant progressivement anachroniques. Bien évidemment des nuances sont à rétablir car il serait naïf de croire que l’on pourrait se passer d’hospitalisation à temps complet. »
En 2018, un nouveau plan santé mentale et psychiatrie a été lancé pour améliorer l’offre de soins en santé mentale. Ce plan met l’accent sur le développement des soins ambulatoires, en réduisant le recours à l’hospitalisation et en favorisant le maintien à domicile, avec un meilleur suivi des patients grâce à des structures comme les Unités d’hospitalisation à domicile.
Docteur Pierre Giordano : « Les deux tiers des patients actuellement hospitalisés dans nos unités le justifient pleinement, en revanche la durée des hospitalisations peut, elle, être nettement diminuée en utilisant des moyens extrahospitaliers appropriés. En outre, certaines situations prises en compte plus précocement et avec d’autres moyens, peuvent tout simplement ne pas parvenir à un stade de dégradation clinique telle que l’hospitalisation devienne la seule échéance possible. Ainsi, l’accent a été mis sur une diversification de la palette de soins offerts dans leur graduation, ce qui s’est traduit : d’abord par une modification progressive des prises en charge intra hospitalières, une nouvelle façon de penser les isolements et la contention, et ce dans un contexte radicalement perturbé (parfois jusqu’à l’empêchement radical) par la désaffection puis la défection de l’ensemble des personnels des unités intra hospitalières et notamment celles des psychiatres. Ensuite par des modifications d’organisation des structures extrahospitalières dont la fusion des CMP et CATTP en Centre de Soins Ambulatoires (CSA) afin de dégager du temps pour des prises en charge infirmières individuelles et éventuellement substitutives à des consultations médicales. Enfin par le rajout au fonctionnement des deux hôpitaux de jour existants d’un troisième hôpital de post-crise, l’Espace Groupal Contenant destiné prioritairement à faire chuter la sur-occupation des unités intra hospitalières. Ce dispositif original a été complété en coopération avec le pôle logement de Saint-Jean de Dieu par l’appartement de réinsertion LOGO, destiné à permettre la sortie de l’hôpital lorsque cette dernière, possible sur le plan clinique était invalidée par l’absence de logement disponible. »
Certains épisodes psychiatriques aigus peuvent être traités dans la cité, sans recours à l’hospitalisation à temps complet, mais nécessitent pour cela des prises en charges ambulatoires intensives. Projet d’établissement 2022-2027, Centre hospitalier Saint Jean de Dieu
Docteur Pierre Giordano : « À partir de 2022, cette organisation polaire s’est complétée de l’hypothèse d’un nouveau dispositif consacré à la résolution de la crise à domicile, susceptible d’inverser la répartition des moyens intra/extrahospitalier du pôle G 25. C’est ainsi que vit le jour le dispositif RéCrEA (Résolution de la Crise en Ambulatoire) articulé aux autres dispositifs existants et en complétant l’éventail nécessaire de notre offre de soins. Par ailleurs des difficultés rencontrées à maintenir dans la cité de nombreux patients notamment dans les logements médico-sociaux, de réinsertion ou élaborés et développés par le pôle logement, ont conduit à projeter la création d’une équipe mobile ACT pour assertive communauty treatment qui devrait commencer à fonctionner courant 2026. Une telle équipe mobile sera destinée à travailler l’intégration et l’adaptation du patient à son domicile et à travailler avec lui sa capacité à s’exprimer et à défendre ses droits sans empiéter sur les droits des autres, ce qui implique la récupération d’habilités sociales. Après l’ouverture de RéCrEA et celle de l’équipe mobile A.C.T.ion, 66 % des moyens seront affectés à l’extrahospitalier. Ce qui représente 47 % de l’activité ambulatoire stricte du pôle et 73 % de l’activité ambulatoire stricte de l’extrahospitalier, activité qu’on rappellera valorisée par le nouveau plan de financement de la psychiatrie. »
Depuis 2016, la psychiatrie en France a fait des progrès significatifs en termes de réorganisation des soins, de mise en place de politiques de prévention, et de soutien pour la déstigmatisation des troubles mentaux. Toutefois, des défis subsistent, notamment en matière de financement, d’effectifs, et de gestion des troubles mentaux dans un contexte socio-économique de plus en plus complexe.
Docteur Pierre Giordano : « Cette démarche développée sur une dizaine d’années m’apparaît aujourd’hui comme l’illustration directe d’une lutte contre l’adversité par la créativité. Le seul moyen de défense que nous ayons trouvé contre la sinistrose que la psychiatrie hospitalière traverse depuis une dizaine d’années au moins et dont nous subissons quotidiennement les répercussions, est d’avoir pu développer des stratégies. Nous espérons qu’elles seront considérées comme le témoin de l’imagination et de l’habileté montrées à promouvoir des solutions capables d’assurer la survie d’un système de soins auquel nous sommes attachés et dont nos patients, nous le savons bien, ne peuvent se passer. Plus que jamais la psychiatrie a besoin d’une pensée non linéaire, et nous avions besoin d’apporter une nouvelle vision s’appuyant sur des expériences préexistantes concluantes au lieu de nous recroqueviller sur la perspective d’une catastrophe annoncée. Rien n’est plus moteur que d’arriver à convaincre un ensemble d’acteurs de la pertinence des solutions proposées, des solutions conduisant à tous se renouveler en permanence, et à préférer clairement que l’on nous expose de bons problèmes plutôt que l’on nous impose des solutions. Même si la situation actuelle est complexe, je suis convaincu que Charles Luc Dziegala qui deviendra chef de pôle à mon départ saura soutenir cette résilience et je le remercie de relever le défi. »
L’arrêt des fonctions de médecin chef du Docteur Pierre Giordano ne marque pas la fin de son engagement au sein de la Fondation ARHM. Il va succéder au mandat d’administratrice au sein du Conseil d’Administration de la Fondation de Florence Dibie Racoupeau à la fin de son mandat.